Toutes les grandes religions ont failli: elles ont connu le pire et le meilleur! C'est encore et toujours vrai, d'actualité. Il nous suffit de penser à la violence des fanatiques islamistes, à celle des moines bouddhistes contre les Rohingyas. Devons-nous alors les rejeter en bloc? Certains ont choisi cette solution somme toute confortable en oubliant un peu vite que rien en ce bas monde ne saurait être parfait: la démocratie ne l'est pas et les églises ne le seront pas non plus! Les humains sont faillibles, n'est-il pas vrai? Cela pourtant ne saurait conduite à tout excuser ou tout accepter. Il faut rester critique et attentif à prendre le meilleur des religions.
Remarquer le positionnement des grandes religions; chacune incarne un accès au divin.
L'Islam est la religion de l'obéissance inconditionnelle, la figure absolue du Père qui punit ou récompense.
Le Judaïsme incarne la religion de l'Alliance, de la Loi avec un Dieu unique, le Créateur qui conduit l'histoire humaine.
Le Christianisme incarne la religion de l'Amour comme appel inconditionnel à la fraternité, qui deviendra le critère d'un Jugement dernier.
Le Bouddhisme est la religion du détachement envers tout et tous pour mériter d'en finir avec les réincarnations et pouvoir se fondre dans le Nirvana.

Une déconstruction critique est nécessaire. 

Nous avons une image déformée de Dieu. C'est au contact de nos parents que nous nous forgeons notre image positive et négative inconsciente de Dieu. Notre père nous renvoie à l'autorité et la protection tandis que notre mère nous donne amour et attention. Les valeurs inconscientes que nous accordons à Dieu ressemblent beaucoup à celles projetées au ciel. Tous ces éléments se conjuguent donc pour constituer une image inconsciente qui si on l’analyse bien, transforme Dieu en un être plutôt antipathique... Si l’on ne tient pas compte du fait que l’image que l’on se fait de Dieu est bien souvent erronée, on risque alors tôt ou tard de se détourner de lui. Cela est dommage, tout autant que de croire ferme que Dieu doit être craint, qu’il est sévère et peut-être même cruel. Autrement, si l’on a été gâté, que nos parents étaient bienveillants et qu’ils nous ont tout laissé passer alors on croira que l’on peut tout faire, tricher, ne pas assumer ses responsabilités… car Dieu est bon, indulgent et ne punit pas. Mais la vie nous fera vite comprendre tôt ou tard que ce n’est pas le cas et que l’image du « tout est permis » est en réalité tout autant fausse. Cependant, comme le souligne très justement Boris Cyrulnik s'il y a contact sécurisant avec Dieu il sera symbolique par la présence d'objet, de lieux, de prières et de rites interactifs : il devient partenaire sécurisant dans un lien internalisé, ce qui ne veut pas dire retomber en enfance. Nous retrouvons la cohabitation des extrêmes à travers l'angoisse et l'extase. Les recherches neurologiques témoignent d'un apaisement des marqueurs biologiques du stress via des ondes alpha à 8 cycles-seconde permettant des sensations d'attention paisible ; Si l’amygdale rhinencéphalique diminue le fonctionnement du cortex pariétal, une déconnexion avec le monde extérieur devient possible qui apporte parfois des sentiments océaniques.

En réalité, croire en Dieu est bien souvent une manière d'être attaché à ceux dont nous partageons la foi et de lutter contre l'angoisse de la mort, du néant, du chaos, etc. C'est une manière concrète de s’y opposer. Dieu contient ainsi l'ambivalence de l'inconnu effrayant et du connu sécurisant ; s'il est amour, il est lien maternel apaisant et joyeux qui justifierait qu'on prie en disant notre mère ; être croyant est un très fort facteur de protection. « Le fait de ne pas être soumis à l’immédiat, donne sens à sa vie. Grâce à la transcendance, on perçoit le monde différemment. C’est un énorme facteur de protection et d’affection. De plus, être plusieurs à croire au même Dieu, permet d’être en fraternité avec l’autre, de tisser des liens humains et de structurer notre vie quotidienne. N’oublions pas que la manière dont on croit en Dieu révèle la manière dont on aime les Hommes. La majorité d’entre nous avons un attachement sécure en Dieu, mais d’autres ont un attachement rigide et autoritaire. Ce sont les extrémistes qui massacrent les hommes au nom de leur manière d’aimer dieu. » La figure divine ne saurait bien entendu être rattachée au domaine du pervers : un travail de déconstruction critique est à faire.

En finir aussi avec les représentations antiques du monde décrites dans la Genèse. Voici comment nos ancêtres se représentaient le monde. Dieu en était l'origine et le principe : tout venait de lui. S'il s'oubliait un instant, le monde retournait au chaos. Il faisait tout : lever le soleil, pleuvoir, pousser l'herbe. Nous lui devions la santé, la maladie, la fortune, la misère : TOUT. Il était donc impératif de le respecter et de le craindre, pour ne pas encourir son courroux ! D'ailleurs Israël imaginait une présence bénéfique de Dieu (sa shekina) pour la Terre entière, qui variait selon l'obéissance collective du peuple. Quand le peuple respectait l'alliance survenait un temps de prospérité, de victoires militaires, etc. 

À l'inverse, quand le peuple s'éloignait de l'alliance, toutes sortes de malheurs et de calamités arrivaient. L'obéissance collective était nécessaire : elle passait par la fidélité aux 10 commandements sensés apporter la paix sociale, le bien pour tous. Le fou, à la fois insensé et méchant, se dit il n'y a pas de Dieu (Psaume 14), donc rien à craindre. A l'opposé, le croyant vit dans la crainte de Dieu qui nous fait aimer le bien et détester le mal. Sans cesse, l'homme est dans la crainte car sa vie, ses biens ou son environnement sont menacés. Il a aussi peur de la mort, des démons ou des puissances invisibles. Et justement, la foi en Yahvé est le talisman, la protection, la bénédiction et la punition, car il est le principe unique qui régit tout ce qui est et tout ce qui arrive, le seul qui puisse garantir un espace de vie. 

Offenser Dieu, c'est donc se rendre coupable de désobéissance, de transgression à ses lois et commandements, c'est le défier, l'outrager par nos pensées, nos paroles et nos actes. Ce qui nous exposer ainsi à Sa colère punitive. 

Le sage préférera demander pardon, la remise de ses dettes et la force de revenir à de meilleurs intentions. Les chrétiens verront en Jésus celui qui a subi la colère divine à la place des hommes, les délivrant ainsi de toute colère à venir. Jésus devient le nouveau talisman : celui qui permet et fonde une nouvelle alliance ; le nouveau mode d'emploi pour plaire au Seigneur et se protéger de son courroux. Une nouvelle manière aussi d'établir la paix sociale à travers l'amour fraternel. C'est la foi qui sauve du mal , des puissances maléfiques comme du malheur. La foi en Jésus Christ qui nous assure la vie éternelle quand Dieu choisira d'établir son Règne. 

Peut-on et doit-on encore 2000 ans plus tard garder cette représentation du divin ? Notre vision du monde et de son fonctionnement n'a-t-elle pas radicalement changé par le savoir scientifique? La référence à un Créateur à qui nous devrions tout mais surtout le respect et l'obéissance, est-elle encore plausible ? N'est-elle pas le produit de l'ignorance et des peurs humaines légitimes ou des espoirs projetés au ciel ? Rares sont ceux qui ont encore peur de leur ombre ou des démons maléfiques ! Nous vivons dans un univers sécularisé par l'avancée des connaissances scientifiques et rendu plus habitable par nos inventions technologiques. Notre rapport à un Principe unique est devenu plus flou et surtout moins magique ! Alors, in fine, de quoi la foi devrait elle nous sauver ? De quel enfer, de quel châtiment ? Que devient l'obéissance ? Doit-elle toujours être absolue et inconditionnelle ? Quel dieu exigerait cela de ses sujets sans être un pervers narcissique? Tout est à revoir et à repenser ! Mais sur quelles bases, à partir de quelles références, de quels témoignages ? La vérité est probablement à chercher du côté des récits d' expérience de mort imminente (EMI), des sorties de corps (OBE) et des états de conscience modifié (ECM) .

 

Les représentations aberrantes du divin

Dieu ne fera pas magiquement advenir le paradis sur terre en nous l’imposant ; de même Sa volonté ou Ses commandements ne nous sont en rien des contraintes. Le Jugement dernier et la Parousie (l’attente du retour de Jésus) sont des fantasmes humains ; tout comme de nombreuses représentations du divin dont par exemple : Celle du Dieu Sadique qui nous envoie punitions et récompenses pour nous mener à Lui ou éprouver notre foi : il faut Le supplier ou l'émouvoir pour obtenir Son pardon ou Son aide. Et bien comprendre qu'Il a toujours un projet pour nous !

Celle du Grand Sénile à qui il faut dire sans relâche nos attentes et nos besoins, ce qu'Il devrait être et faire en nous, pour nous et pour le monde.

Celle du Grand Indifférent, le Tout Autre inatteignable à qui nous adressons néanmoins, sans grand espoir, nos doléances, nos suppliques et autres déceptions. Il est le Créateur qui s'est retiré de sa création en nous laissant nous débrouiller seuls, non sans nous avoir donné des modes d'emploi et des guides.

Celle du Grand Inquisiteur, l'épicier qui tient les comptes de nos bonnes et mauvaises actions en nous menaçant de son Jugement dernier comme de l'enfer.

Celle de la Chose inconnue qui joue à cache-cache avec nous tout en nous donnant de vagues indices de sa présence.

Celle du Dieu jaloux et colérique, du dieu des armées qui ne supporte pas qu'on puisse se détourner de Lui et nous demande de nous fondre en Lui uniquement.

Celle du Grand Marionnettiste qui a tout prévu d'avance et tire les ficelles à sa guise en réclamant de nous obéissance aveugle et soumission à Sa volonté.

Celle du Père sévère mais juste qui traite ses enfants selon leurs mérites.

Celle du Grand Narcissique qui voulait se connaître comme perfection dans l’imparfait ou comme absolu dans le relatif.

Celle du Grand Bricoleur qui tente d'équilibrer tant bien que mal les forces du chaos à l’œuvre dans sa création, sans pour autant pouvoir nous en prémunir.

Celle de l'Agent Secret qui œuvre secrètement dans notre vie et dans le monde pour arriver à ses fins.

Celle du Grand Irresponsable qui, au nom de la liberté portée à l'absolu, nous laisse à notre triste sort sans lever le petit doigt.

Celle du Grand Pervers qui nous met devant des défis si hauts que nous ne pouvons qu'échouer.

Celle du Grand Manipulateur qui se fait humain à travers Jésus pour mieux le ressusciter ensuite.

Celle du Grand Ordinateur qui expérimente sans états d'âme tous les possibles des possibles pour en tirer de l'information.

Celle du Grand Mystificateur qui est soi-disant amour et lumière, donc sans obscurité, mais qui n’assume pas la responsabilité du chaos et de la violence inhérente à sa création. Celle enfin du Parfait qui ne supporte pas que nous puissions porter atteinte à sa gloire magnifique, ni lui faire de l’ombre en nous comportant comme des dieux.

Les représentations aberrantes du divin ne manquent pas, reconnaissons-le. Nous continuons ainsi à postuler un Dieu qui conduit l’histoire humaine pour l’amener à son terme, et nous Lui demandons d’agir dans notre vie comme dans notre environnement soi-disant pour le bien de tous. Mais cela constitue une violation du libre arbitre dans lequel naissent tous les délires religieux. Il faut en finir avec ces représentations mythologiques ou ces projections au ciel d’un humain à peine amélioré ! Nous pouvons abandonner sereinement et lucidement toutes ces définitions aberrantes du divin.

Le chrétien, donc, n’a pas à obéir à Jésus, il n’a qu’à mettre son espoir dans la grâce ! Bonhoeffer nous invitera à préférer la grâce qui coûte, à préférer l’humilité qui mène à l’amour. Sans l’humilité le moi occupe tout l’espace et ne voit l’autre que comme objet. L’humilité est cet effort du moi pour se libérer des illusions qu’il se fait sur lui-même, un effort par quoi le moi s'estompe.

 

Petit lexique de la foi: des mots et des concepts pour aujourd'hui.

On ne résume évidemment pas facilement 2'000 ans de théologie, mais on peut se risquer à en dire l'essentiel. À définir la foi comme un partenariat revisité, en songeant qu'elle est visible à l'IRM...

  • Dieu: est  lumière en lui il n'y a pas d'obscurité; il incarne la question de la destinée et celle de l'évolution; il est la Loi des lois, l'origine originante, la Singularité, l'Information première de laquelle tout découle. Laurent Gagnebin nous le dit ainsi : " Le centre de gravité de la foi chrétienne n’est pas le drame rédempteur de notre dogmatique, mais la venue du Royaume de Dieu en notre cœur et dans le monde. Pour moi, le St Esprit c’est d’abord la réalité de cette force divine qui nous inspire et nous habite, nous anime et nous porte, pour construire ce Règne de Dieu en nous orientant vers demain et non vers un passé centré sur une Croix dépassée. Le Saint Esprit, c’est Dieu en nous et dans ce « nous », je suis prêt avec Schweitzer à voir non seulement les humains, mais aussi le monde minéral, animal, végétal ; un monde cosmique. Ce Dieu en nous c’est l’au-delà (dans l’espace et le temps) du Dieu avec nous, Emmanuel. » Une Source, une Force, une Présence, une Energie… Dieu, assurément, n’est pas un individu, mais les traits retenus ici pour caractériser la personne correspondent justement à ceux que nous utilisons pour qualifier Dieu : Esprit, liberté, élan créateur, amour. "  Ce qui rejoint en somme l'affirmation de Max Planck: "Ayant consacré toute ma vie à la science la plus rationnelle qui soit, l'étude de la matière, je peux vous dire au moins ceci à la suite de mes recherches sur l’atome : la matière comme telle n'existe pas ! Toute matière n'existe qu'en vertu d'une force qui fait vibrer les particules et maintient ce minuscule système solaire qu'est l'atome. Nous pouvons supposer sous cette force l'existence d'un Esprit intelligent et conscient. Cet Esprit est la matrice de toute matière."  CF. la fonction dieu 
  • Jésus Christ incarne le Fils, l'obéissance quasi parfaite à la volonté du Père, il illustre à merveille le sens de la vie et le libre choix d'aller mourir sur une croix pour l'amour de l'Amour. 
  • L'Esprit Saint pose avant tout la question de la vérité qui nous habite et parcoure la création: il nous permet de vivre dans une tension tragi-comique assumée notre nature humaine et divine, d'être à la fois juste et pécheur, merveilleux et misérable, aimant et haineux, etc. L'Esprit du Christ est puissance de vie (vibrations, informations, énergies).
  • Le péché: est soumission à l'égo et au mental, à nos élans narcissiques, sadiques ou masochistes; besoin compulsif d'assurer son confort et sa sécurité matérielle, course à la gloire, à la puissance, aux jouissances multiples; il soumission au désir mimétique (à la convoitise et à la rivalité) qui englobe la désignation de boucs émissaires. Dans les mots de F.Dolto: "vivre c'est pécher. S'installer dans le péché, c'est mourir . Il faut dépasser ces états affectifs et ces sentiments d'indignité, de culpabilité…Savoir que tout est grâce, que tout est remis…Savoir enfin qu' "aimer c'est engendrer, susciter, éveiller, réveiller. C'est le contraire de vivre en circuit fermé, de posséder pour soi: richesse, savoir, pouvoir."
  • Il faut ainsi passer du besoin au désir, du charnel au spirituel: c'est aller vers la joie de tout l'être et non pas vers la satisfaction d'un besoin partiel. Pour y arriver, il faut quitter le jeu des identifications stériles à la vie des autres ou à leur personne. Le péché est donc cette volonté de tout ramener à Soi, ses besoins, son confort, sa personne...désarmer en somme!
  • La grâce« La grâce est désormais, s’il est permis de risquer un paradoxe, la loi sous laquelle il nous est donné de vivre et de laquelle toute notre condition humaine reçoit ses impulsions et son style. Gratuité absolue, Amour inconditionnel de Dieu, elle est l’Amour qui libère l’homme pour l’Amour, la gratuité qui le libère pour la reconnaissance (Christophe Senft).»
  • L'obéissance: est la liberté de dieuser dans l'amour du Don, de la gratuité, et le don de l'Amour; elle est libre consentement aux qualités de notre cerveau moral notamment par lequel nous avons le sens de l'équité, de la collaboration, de l'entraide, de l'empathie, de la compassion, de l'altruisme. Nous sommes appelés à quitter le mortifère, la fascination pour la mort, la violence, le néant, le sacré en leur préférant ce qui est saint, juste, bon, délicat, utile ou nécessaire, bien et bon pour toutes et tous.
  • L'amour du prochain: nous encourage à suspendre nos jugements poru ne rien gâter, gâcher ou abîmer en soi et en l'autre. Par la « validation existentielle », nous satisfaisons à ce besoin essentiel d’existence, d’estime de soi et d’amour (besoin ontique). Cela permet d’examiner tout le reste avec plus de sérénité, plus de confiance et même plus d’autonomie. Quoi qu’il se soit passé, il est préférable de ne rien abîmer et de se garder de toute culpabilisation de qui que ce soit. De garder une faculté de rester centrer sur le beau et le bon en soi, en l’autre, déjà présent ou à venir. CF. Le lieu de Dieu, c'est l'homme
  • L'espérance nous faire voir, deviner le bien et le beau déjà présent, en soi-même ou en l'autre, ou encore à venir. « L'être humain n'est complet, créateur et intelligent que s'il a reconnu sa source, son plan d'origine, l'énergie qui le soutient, le remplit, l'appelle infiniment. Et il n'est intelligent que s'il a retrouvé la bonté en lui (Placide Gaboury). » 
  • Le Royaume des cieux ressemble à une personne qui se rend compte qu'elle ne viendra jamais à bout de ce qui pèse - la convoitise, la rivalité, la faute, la culpabilité et le perfectionnisme -, qu'elle n'atteindra jamais une image idéale d'elle-même qu'elle croyait nécessaire pour se rendre acceptable et aimable. Elle accueille alors son impuissance radicale; elle s'ouvre ainsi à l'avenir, à la nouveauté, à  l'autre/au divin avec confiance; elle renonce à expier son malheur par une vie de fuite, d'hypocrisie, de devoir ou de mensonge. Ici, la dynamique de guérison est bien une résurrection: laisser venir le courage d'oser être soi-même avec ses ombres et ses lumières en faisant face aux autres. Nous voici libérés de notre passe-temps favori qui consiste à tout idéaliser ou à tout diaboliser, à vomir les autres ou à les dévorer ! Une manière de se laisser dominer tantôt par le désespoir-force en sa volonté de tout maîtriser, tantôt par le désespoir-faiblesse qui cherche le salut dans la fuite. Nous pouvons voir notre aveuglement s'en aller, le laisser partir avec l'aide de Dieu. Apprendre à nous aimer sans enflure ni tristesse, sans tout ramener à soi. Et retrouver foi dans la joie de donner et de recevoir gratuitement, sans chagrin ni contrainte qui est la dynamique privilégiée du Royaume. 
  • La résurrection du Christ est donc emblématique de ce passage du monde de l'espace-temps avec toutes ses vicissitudes au non espace-temps, à l'éternité où tout est inversé. Et toute la vie du Christ renvoie à ce retournement fondamental où la vie succède à la mort, à cette insurrection contre ce qui nous fait office d'évidences. « Dans le monde économique plus vous dépensez, relève Georges Haldas, plus vous vous appauvrissez. Dans le Royaume du non espace-temps, c'est tout le contraire. Plus vous vous dépensez pour l'autre, plus vous vous enrichissez. » Le Christ ne nie ni le biologique, ni le social. Il est au-delà. « Cette vie de résurrection telle qu'elle est ouverte par le Christ, commande une manière d'être qui se prépare maintenant en choisissant de vivre une vie de relations marquées par l'anti-puissance, par l'anti-meurtre, par une manière de vivre bénéfique pour autrui. »
  • L'angoisse fondamentale est incontournable car si notre tête sait que nous sommes mortels, notre corps lui se bat - et se battra - pour survivre. Cette angoissante tension ne pourra être levée partiellement que dans l'acceptation profonde de l'essence de la Vie, dans l'abandon lucide et confiant en cette tendresse divine qui nous sauve du Néant, de l'obsession de la violence comme de nos pulsions narcissiques, sadiques ou masochistes, pour nous mener au-delà à une lucidité sereine. Car, nous le croyons avec le philosophe Michel Henry, Dieu est Vie, il est l'essence de la Vie, ou, si l'on préfère, l'essence de la Vie est Dieu. Dieu est par essence la Révélation primordiale qui arrache toute chose au néant. Dès lors, la Vie a une double dimension, profane et sacrée, que nous vivons en notre être au monde et dans l'ouverture à l'essence de la Vie. Jésus Christ en est le révélateur et l'interprète. Mais il en est aussi le dénonciateur du mal. Aujourd'hui, l'homme, devenu automate, se réduit à son apparition dans la vérité du monde. Il erre dans une pseudo-vie où les hommes sont humiliés, abaissés, méprisés et se méprisent eux-mêmes ; ils recherchent le grand tout et le grand rien de la jouissance dans la consommation. Les robots, les automates, les abstractions les détournent de la Vie. La voie royale est celle qui consiste à se limiter à l'observable, au mesurable et à l'efficace : on reste dans l'incapacité de se référer à un ailleurs ou un autrement possible. La Vie se déroule coram Mundo : dans l'hypocrisie et le mensonge de l'égocentrisme, du chacun pour soi et du dieu pour tous. L'essence de la Vie est accueil, soin et partage, un échange permanent d'informations qui ne conduit pas le croyant à devoir mépriser les joies et les bienfaits de la vie dans l'attente d'un paradis, en somme à la vie crucifiée pour un néant sanctifié. La foi conduit plutôt à une cocréation joyeuse et modeste vécue ici et maintenant. 
  • Le pardon: est la compassion divine, sa tendresse envers nous que nous accueillons comme un presque rien qui change tout; le pardon nous encourage à la métanoïa (à revenir toujours à de meilleures dispositions de coeur ou d'actes), à revenir librement au plaisir de donner et de recevoir sans chagrin ni contrainte. 
  • L'éternité (le Paradis) est la mémoire divine, l'espace-temps, que notre âme-esprit rejoindra à la mort de notre corps, pour y apporter toute l'information d'une vie.
  • L'âme-esprit est la conscience cosmique qui habite toutes les dimensions des univers. Elle est probablement l'Esprit intelligent et conscient dont parlait Planck. C'est par elle que nous nous synchronisons: notre corps, nos cellules, etc., par elle aussi que nous créons, attirons, repoussons toute une partie de notre réalité. Elle est aussi la source de nos inspirations, intuitions, prémonitions, heureux hasards, coïncidences et synchronicités. Elle est au coeur des expériences de sortie du corps, des états modifiés de conscience, des EMI/NDE, des expériences océaniques, des phénomènes de voyance ou des guérisons.
  • "Le Mal est le résultat de ce qui arrive quand l’homme n’a pas l’AMOUR de Dieu dans son coeur. Il est comme le froid qui vient quand il n’y a aucune chaleur ou l’obscurité qui vient quand il n’y a aucune LUMIERE. (A. Einstein)." Sa véritable nature et son caractère nous y sont dévoilés par les noms, les titres et les nombreux qualificatifs qui lui sont donnés : Lucifer est son nom originel, il signifie porteur de lumière, Satan exprime littéralement l'adversaire, Diable exhale le diffamateur, Apollyon dans le grec est traduit par destructeur, Mammon personnifie la richesse, Bélial veut dire iniquité. Il est qualifié de malin, tentateur, séducteur, accusateur des frères. Dès le commencement, il inspire le meurtre, le doute et le mensonge, il est père du mensonge et meurtrier. Il est comparé à un lion, un homme fort, un chasseur, un loup ravisseur en vêtements de brebis. Il est prince et dieu de ce monde, prince de la puissance de l'air, le dieu de ce siècle capable d'aveugler et de se transformer en "ange de lumière". 
  • Le mortifère c'est l'absence d'amour, la tristesse d'être né, nos élans narcissiques, sadiques et masochistes. 
  • La foi, la raison et la mystiquePierre Bühler rappelle que la foi est un système de convictions qui doivent nécessairement être ouvertes, mises à l'épreuve des faits, de la réalité, des défis d'incertitude et des crises que suscitent la vie comme notre adaptation à l'évolution spirituelle. Sa pensée peut se résumer ainsi : L'apprentissage ne peut se faire sans tâtonnements, sans essais ni erreurs. Il nécessite une clarification des rapports entre la foi et la raison, entre la raison et la déraison, entre la foi et l'incroyance, entre foi et mystique. Ainsi quand la raison se désavoue en se laissant déterminer par l'irrationnel, elle tombe dans l'illusion-faiblesse (comique). Quand, au contraire, elle prétend tout maîtriser, elle tombe dans l'illusion-force (tragique). Quand la foi devient indifférence, apathie ou croyances vagues elle devient à son tour illusion-faiblesse (comique). Quand la foi se ferme au doute, à l'incertitude ou à la contestation, elle devient illusion-force (tragique). La foi interpelle la raison en lui rappelant qu'elle se situe dans l'évolution au 8è jour de la création. Et la raison à son tour interpelle la foi en l'invitant à ne pas croire à des non-sens établis. Ce cadre est défini par la réalité ultime, par cette Parole divine qui vient contester l'humain pour le faire sortir de ses ornières et l'amener à mieux prendre en compte l'appel du sens qui ne saurait être simple soumission à la dure réalité sélective de l'évolution. À l'inverse, cette Parole contredit aussi toute tentative de dépasser magiquement notre réalité humaine. La mystique, qui présuppose un lien privilégié au Créateur donné à l'intérieur de l'humain, n'échappe pas à la règle : quand elle se perd dans l'irrationnel, dans la jouissance de sensations touchant soi-disant au divin, elle devient illusion-faiblesse du plus haut comique. Quand, au contraire, elle se targue de pouvoir conduire l'humain à la réalité ultime par la seule contemplation ou la connaissance, elle devient illusion-force du plus haut tragique. Le piège consiste à vouloir réfuter la complexité de la réalité ou à souhaiter lui correspondre par des voies obscures et irrationnelles. Cette mutation violente du désir conduit l'humain à vouloir être dieu à la place de dieu – maître de tout y compris de son destin ou de la nature – ou le pousse à vouloir être comme Dieu. 
  • L'entropie est l'inverse de l'amour: la malveillance, la malfaisance, la médisance, les stratégies utilisées pour arriver à nos fins ( par la force, la contrainte, le bluff, la manipulation, la séduction, la dette imposée, la fuite, le déni, le mensonge, etc.)."Notre malheur, dira Philippe Guillemant, résulte bien logiquement d’une déconnexion entre notre conscience-cerveau et l’Esprit ; l’organisme est alors soumis à la loi de l’entropie qui le fait se dégrader – ou dysfonctionner - puisqu’il n’est plus (pas ou pas assez) régénéré par l’amour." Cette déconnexion est liée à nos convictions intimes et à nos attachements excessifs qui ont des effets limitatifs voire nocebo. Nous restons prisonniers de notre passé projeté sans grandes nouveautés sur le présent et le futur. Prisonniers de notre ego, de notre mental comme de nos peurs aussi; tout cela nous maintient dans des boucles de rétroactions négatives; plus nous définissons qui nous sommes et ce que doit être la réalité, moins l'aide du futur peut nous parvenir! 
  • La Croix: La tradition chrétienne réfute la volonté humaine d'être dieu à la place de Dieu comme la volonté d'être maître de son destin ou de la nature en les opposant à la croix : en elle se dit l'abandon du juste, son renoncement, son impuissance, son refus de toute violence ajoutée ou de toute solution magique. Nous pouvons y contempler le choix gratuit du génie de l’Amour, celui du libre arbitre vécu dans la libre acceptation et la non-imposition, pour que de l’horreur puisse naître une autre spiritualité qui refuse notamment les logiques infernales dont celle du bouc émissaire. 
  • La néguentropie émerge du Dieu qui est le Tout-et-l'opposé-au-chaos; nous pouvons y puiser la clarté, la sérénité, la lucidité, la confiance, la reconnaissance, etc., et la joie du pécheur pardonné, encouragé à oser la liberté de l'amour fraternel. 
  • Pour François Vouga, Henri Hofer et André Jantet l'église est censée apparaître comme l'espace ouvert d'une confrontation décapante avec soi-même, une confrontation libératrice parce qu'elle amène une distance provoquée par le grotesque qui crée de manière pragmatique l'envie et la possibilité d'un changement ; c'est un espace ouvert parce qu’ il est critique, sécularisé, respectueux mais irrévérencieux et Dieu va apparaître, à travers les idées de Jésus, non pas dans le sacré, dans la pratique religieuse ou dans le catalogue des vérités mais dans la transformation inattendue d'un quotidien qui s'offre tout entier à l'action libre et responsable. 
    La dynamique d’église va devoir se faire avec deux impératifs : la non-conformité et le changement de système de pensée qui renvoient à un style de vie spécifique : il n’y a pas de foi, d’espérance et d’amour sans prochain, sans une ouverture à autrui, une attention et un engagement social ; mais la disponibilité au service, l’esprit de gratuité, l’amour désintéressé ou l’engagement solidaire s’enracinent dans une spiritualité ; et l’église se vit dans ce désir, cette confiance et cette liberté à redéfinir en permanence.L’intervention de l’église dans le monde n’est pas la défense des idées ou de la doctrine mais défense des humains ; elle est anti-idéaliste car la terre ne sera jamais le royaume ! Mais elle rencontre l’humanité dans un esprit de vérité et de réconciliation, de non-violence et de renoncement au pouvoir ; elle veut le meilleur pour chacun : bénir, compatir, vaincre le mal par le bien, distinguer entre les personnes, les actes ou les idées. Elle défend un ordre politique harmonieux et respectueux des personnes ; elle soutient et encourage le principe de réciprocité et celui de la gratuité;
    L’église est sortie de la religion, vie à travers le renouvellement de l’événement qui la fonde : Pâque. Présence réelle du Crucifié dans le temps et l’histoire des hommes. Contemporanéité avec l’événement fondateur. Ce dernier appartient au Seigneur dont la fidélité est une grâce.